Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les voir grandir, nous voir vieillir

Publié le par E.P.O.

Le voir grandir, nous voir vieillir.

 

  • J’ai fait un cauchemar cette nuit. Il y avait une plage de sable, immense. Sur la plage il y avait des hommes qui venaient là pour mourir. Ils mouraient tous. Certains étaient assommés d’autres attendaient leur mort en lisant un journal. Je voyais l’homme qui s’affaissait, qui lâchait le journal, les feuilles s’envolaient emportés par le vent…
  • Moi, ça me rappelle une chanson pour les enfants, tu te souviens : « colchiques dans les près fleurissent, fleurissent, colchiques dans les près c’est la fin de l’été/ La feuille d’automne emportée par le vent en ronde monotone …
  • Bon, je continue. Je voyais  des hommes en tas. Il y avait David, Christian et d’autres, au-dessous j’ai reconnu Florian, mais il était plus jeune, plus petit que maintenant. Soudain, à côté de moi, un enfant passe en courant, il portait un maillot de corps qui appartenait à Florian. Je m’approche du tas d’hommes, je caresse Florian et je lui dis « mon petit amour, mon chéri ». Tu es à côté de moi, tu es le seul à ne pas être encore mort. Je me suis réveillé et j’ai pleuré, j’étais inconsolable cette nuit, je n’ai pas osé te réveiller.

Elle faisait le tri des vêtements d’été de son fils, qui depuis un an avait beaucoup grandi. Des chemisettes, des belles chemises presque neuves finirent dans un sac et données à un enfant. Le miroir, elle se regarde beaucoup dans le miroir, puis s’est fait belle. Se plaint parfois auprès de son mari d’être vieille. C’est vrai qu’elle vieillit, une femme ne se trompe pas lorsqu’elle demande à son homme : « comment tu me trouves ? » et que son homme répond « pas mal ». Les enfants grandissent et leur montrent par leur présence qu’ils vieillissent, qu’elle vieillit. Autrefois elle se faisait belle, aujourd’hui elle s’entretient, ça  change tout.

Puis, les enfants, qui faisaient d’elle une maman encore jeune, la font basculer dans une maman des grands enfants. Le deuil, les ruptures que les parents doivent faire, ces petites morts dans cette vie, sont ainsi faites. Les enfants leur échappent, ils deviennent peu à peu d’autres. Ils l’ont sans doute toujours été, mais les parents les voulaient un peu comme ils les imaginaient. Ils le sont un peu, ils restent leurs enfants, ils sont beaux, ils font briller leurs parents de leur beauté d’adolescent ou de jeune adulte, mais l’enfance est morte. Les hommes sont toujours sur une plage pour mourir.

Les Ulis octobre 2013

 

Commenter cet article