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SAUVÉ DES SOTS

Publié le par E.P.O.

 

 

La ville était surnommée La porte du nord.

 

De La Calera, étape obligée entre Santiago et Valparaiso, on partait sans cesse, certains pour ne jamais y revenir.

Le train qui circulait entre les deux grandes villes s'arrêtait quelques minutes. On achetait des gâteaux, quelques boissons ; d'autres descendaient pour entreprendre leur lent voyage vers le nord du Chili dont ils rapportaient de quoi nourrir plusieurs bouches pendant des mois. Les voyageurs promenaient leurs regards distraits sans remarquer d'abord la couche de poussière qui recouvrait les maisons. Entre deux trains, un long midi à crever de chaud, et l'ennui qui se déposait jusque sur l'espoir. Les hommes attendaient ce qui, un jour, les  réveillerait.

La cimenterie déposait la poussière jour après jour sur les toits des maisons, entre les doigts qui s’apprêtaient à découper une viande proche de la charogne. La viande pourrit vite, dans les régions chaudes. En manger de la fraîche est un luxe. La plupart des gens préféraient la faire sécher : ils appelaient cela, du nom indien, le charqui[1] La poussière se déposait sur le vin que Ton s'apprêtait à couper avec de l'eau, question de rentabiliser le chuïco[2] ; la poussière se déposait sur la salade de chou vert, recouvrait la nappe dressée pour le déjeuner des ouvriers et faisait ressortir les toiles d'araignées accrochées au plafond ; la poussière matérialisait la lumière solaire qui s'infiltrait au petit matin à travers les rainures du bois mal ajusté des fenêtres, effiloché comme un vêtement usagé ; la poussière faisait cracher aux ouvriers de la cimenterie des mucosités violacées et noirâtres : c'étaient les poumons qui tombaient en poussière.

 

Dans la ville, au croisement dit de las très esquinas - les trois coins -, un petit hôtel-restaurant proposait la pension complète et plus « si affinités ». C'était une petite maison qui logeait les jeunes ouvriers d'une usine de peinture. Le matin, une dizaine de pensionnaires traversait la rue et s'engouffrait dans les odeurs nauséabondes de l'usine. À midi, ils étaient vingt à traverser la rue dans l'autre sens pour occuper les trois longues tables de la salle à manger.

La façade n'annonçait rien. C'était par connaissances que les gens arrivaient chez Elsa, une belle brune à l'autorité ferme, « petite taille et grande gueule ». Elle gérait seule son affaire : son mari était parti travailler dans le nord. Les mauvaises langues racontaient qu'il avait continué plus loin encore, dans l'intention de ne plus revenir.

Elsa n'avait pas d'enfant. Le jour où elle se rendit compte que son mari était parti pour de bon, elle le pleura et le haït profondément, mais sans jamais le maudire en public. Un livre racontait le martyr d'un homme puni qui, les couilles à la main, marchait droit vers la mort dans d'atroces douleurs ; elle l'imaginait ainsi, perdu au milieu du salar d'Atacama. Un soir, elle lava son mouchoir humide de larmes puis le laissa sécher toute la nuit. Au petit matin, elle le brûla en imaginant son mari qui s'adossait à un rocher et s'asséchait, ne devenant pour finir qu'une tache imprimée sur le minerai, comme un mystère.

Elle apprécia sa nouvelle liberté. Autrefois trop amoureuse, elle était devenue bête, un miroir de la bêtise de son homme: son absence lui permit de se mettre à penser. Une étrange sensation parcourait son corps chaque fois qu'elle imaginait le lendemain. Elle chercha la survie et découvrit la vie.

 

Après le départ de son mari, tout avait commencé le midi où un jeune ouvrier venu de Chigualoco, un minuscule village situé au bord du Pacifique, près de Los Vilos, était venu lui demander si elle pouvait lui faire à manger pour quelques piécettes. Elle avait accepté et, peu à peu, les ouvriers de l'usine qui n'avaient pas de famille s'étaient retrouvés chez elle, qui leur prodiguait nourriture et réconfort. Elle en vint à proposer des lits pour la même raison. Une demande, puis d'autres, ainsi aménagea-t-elle dans la cour, derrière la maison, des cagibis qui servaient de chambres. Et sa maison se transforma en hôtel-pension.

Si, au début, elle pouvait tout assumer seule, elle fut très vite dépassée par le nombre des tâches. Elle fit un tour au centre ville et trouva deux jeunes filles, deux belles indiennes venues du sud du Chili qui étaient descendues à La Calera par ignorance, par analphabétisme.

Elles devaient aller jusqu'à Valparaiso et s'étaient crues arrivées quand le train avait fait escale à La Calera. Il leur avait fallu un certain temps pour comprendre que Valparaiso était une ville au bord de la mer. Elles avaient alors pris l'habitude d'aller au centre ville, chaque fin de semaine, et de demander aux passants où se trouvait la mer. Les gens tendaient leur bras en direction de l'ouest et elles marchaient pendant des heures. Épuisées, elles revenaient à leur point de départ : il fallait vivre, gagner de l'argent. Lorsqu’Elsa leur proposa de travailler avec elle, elles entrèrent tout naturellement à son service.



[1]. Viande de grison.

[2] Chuïco : grosse bouteille de quinze litres recouverte d'osier

 

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Mon rêve...

Publié le par E.P.O.

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Acheter des pommes des terres au sud du Chili... les vraies.

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Revoir les Eucalyptus le long du volcan Villarica.

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Mon rêve...L'eau et les oeufs à coquille dure

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... toutes les pluies du sud. Resurgence du lac Caburga.

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... acheter les oeufs de poule couleur verte, avec une coquille dure comme une tarte  à la crème, et les balancer sur un mauvais politique.

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Mon rêve...

Publié le par E.P.O.

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Santiago et sa pollution vus du haut du Cerro San Cristobal

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Voir la cordillère des Andes depuis Horcon,150 bornes plus loin.

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Mon rêve...

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Le  meli-melo porteño (Valparaiso)

 

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Revoir les poubelles sur pattes.

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Mon rêve...

Publié le par E.P.O.

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Toucher à nouveau les roches des Andes

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Manger une Empanada et un pain artisanal avec du arrollado

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Les danseurs Maliens

Publié le par E.P.O.

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Les danseurs Maliens

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L'homme orchestre fatigué

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L'homme orchestre fatigué.

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Mon rêve... Une rue et deux chats.

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Une vie de chat...

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...Les trompe-l'oeil du Cerro Alegre à Valparaiso.

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L'ombre d'un souvenir

Publié le par E.P.O.

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L'ombre d'un souvenir

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