Je parcours ces photos d’un temps  de vie. Je parcours les images comme la tristesse parcourt les nuits sombres de l’hiver. Je te vois avec ton papa et derrière vous l’océan qui éprouve les roches avec ces vagues bruyantes pleines d’écume enragée. Un ciel bleu alors que tout n’était que nuages et froid. Tu es au Chili enfant encore. L’espace austral n’est que sourires, ta maman, ton papa et toi.

 Qu’elle est douloureuse l’absence, j’espère que tu as trouvé ton grand père dans l’univers des hommes bons. Parlez-vous de nous ? Nous n’arrêtons pas de penser à vous et selon la couleur du jour qui nous enveloppe nous pleurons.

J’étais assis, je lisais […] Ils entendirent Ursula se battre contre les lois de la création pour préserver  sa lignée, et Jose Arcadio Buendia chercher la vérité chimérique des grandes inventions, et Fernanda prier, et le Colonel Aureliano Buendia s’abrutir dans les subterfuges guerriers et des petits poissons en or, et Aureliano le Second mourir à petit feu de solitude dans l’étourdissant vertige de ses fêtes, et dès lors ils surent que les obsessions dominantes l’emportaient sur la mort, et ils recommencèrent à être heureux  avec la certitude qu’ils continueraient à s’aimer dans leur devenir de fantômes, longtemps après que d’autres espèces animales  à venir auraient ravi aux insectes ce paradis de misère que les insectes finissaient de ravir aux hommes.

Enfant je craignais les fantômes, je pensais qu’ils allaient me dévorer, m’amener dans un autre monde. Arrivé à l’âge d’homme qui calcule déjà le temps qu’il me reste de vivre. Ils ne m’ont jamais amené nulle part. Cela dit, Yann et Papa s’il vous arrive de me rendre visite, je voudrais que vous laissiez la trace de vos baisers sur mon front pour me sentir moins seul et le raconter à Gilles et à Gina, à maman et à Christian et à Juan et à Rene … Je vous souhaite, avec un vin rouge qui pique venu du Chili, le bonheur sans tristesse. La tristesse est l’affaire des vivants.