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L'amour à quarante ans.

Publié le par E.P.O.

L'amour à quarante ans.

L’amour à quarante ans.

 

Marcos avait compris qu’au fond des yeux bleus de son amour, il n’occupait qu’un petit coin au bord de la rétine et que tout le reste était occupé par un autre. Un an plutôt, alors qu’ils avaient rendez-vous à midi dans un coin charmant de la forêt, elle arriva en retard. Ella avait passé la matinée en compagnie de son ibère et des élèves de la classe dont il était l’instituteur. Elle lui raconta la sortie, mais omis de lui dire que rentrés une heure avant midi, tous les deux profitèrent pour boire un thé accompagné des câlins d'amour.

Les enfants étaient des bons entremetteurs sans le savoir. Les jeudis soir, Ella et son ibère se retrouvaient devant la salle de musique. Ils déposaient leurs enfants respectifs pour une heure de cours. Le couple s’échappait en voiture jusque dans le parking du centre culturel où en toute discrétion il faisait l’amour.

Les habitudes existent aussi dans la vie érotique. Tel jour à telle heure enlevons les vêtements. Ella et Marcos faisaient l’amour le vendredi soir. La belle se plaisait à lui parler du bel ibère aux yeux bleus juste après avoir jouit. Il avait gardé l’espoir que l’histoire amoureuse de sa compagne ne serait qu’une passade.

Chaque fois qu’il faisait allusion aux phrases qu’elle prononçait, elle niait avec force. Mais les mots la trahissaient. « Il a un objectif très grand dans son appareil photo » disait elle en rigolant ou encore « Il aime bien quand je lèche la crème du cornet ». Marcos fut jaloux et malheureux quelques heures. Comme Ella, par petites touches de déception, il cessa de l’aimer.

Marcos passa un été sombre. Peu avant de s’envoler pour le Mali, Ella lui dit « Je ne suis plus amoureuse de toi. Je veux qu’on arrête de se voir ». Elle ne pensait plus à lui tous les jours, toutes les heures. Elle ne pensait plus jamais. Il le savait, dans la semaine, jamais un appel ou un message au travail. Ella ne donnait plus des nouvelles

En septembre, il lui fit savoir que puisque s’était ainsi il chercherait un nouvel amour. « Ah non ! s’exclama-t-elle. Je veux bien te voir une fois par mois mais tu ne me trompes pas ». C’était à n’y rien comprendre.

Aucune chance donc de la reconquérir, la nouveauté la séduisait. Il fit semblant de tenir sa promesse d’une fidélité au mois. Las, aussitôt promis, aussitôt oublié. Désormais, une belle brune de dix ans plus jeune, souple comme un chat et belle comme le charbon minéral, avec son corps fin et ses formes douces, ondulait sur sa peau.

Il se souvint d’Anaïs Nin qui écrivit il y a longtemps déjà « Si l'on change intérieurement, on ne doit pas continuer à vivre avec les mêmes objets ». Il avait accepté la rupture parce qu’il avait changé et Ella aussi.

Un soir de pleine lune, il pleura longuement devant la maison qui avait été la sienne par intermittence. Il se rappela à nouveau d’Anaïs Nin, dont il avait acheté tous les livres dans l’espoir d’apprendre à aimer. « L’amour ne meurt jamais de mort naturelle. Il meurt parce que nous ne savons pas revenir à ses sources. Il meurt de notre aveuglement, de nos erreurs et de nos trahisons. Il meurt de ses maladies et de ses blessures. Il meurt de lassitude, il dépérit et se ternit. » Il choisit le sentier qui passait par la forêt pour aller jusqu’à la gare, le vent rendait vie aux ombres des arbres géants. Soudain la nuit devint noire, les nuages recouvraient à nouveau tout le ciel. Marcos frissonna sans savoir s’il avait peur ou s’il se rendait compte du temps qu’il avait passé auprès d’un amour, qui désormais n’était que du temps perdu.

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